VINCENT BACH : VISITE D'USINE À ELKHART

REPORTAGE DE DAVID LEVY-GOURDET

INCENT BACH: Visite d'usine á Elkhart

Dimanche 31 juillet.

Nice/Amsterdam, Amsterdam/Chicago, Frank et moi débarquons aux USA pour notre reportage sur la fabrication des instruments Conn-Selmer. À destination, à l’aéroport, nous rejoignons Simona et Allessandro de l’équipe de direction de Gewa Italie. Voiture de location, on longe dowtown et filons vers Elkhart, notre rdv pour la visite d’usine, en laissant derrière nous la plus grande étendue d’eau douce des États-Unis, et le cinquième plus grand lac du monde : le gigantesque lac Michigan. Le paysage se compose de champs de maïs à perte de vue, d’anciennes fermes et de vieilles usines en briques, comme dans ces films américains des années 30. L’environnement rural affiche un réel contraste face à la mégapole qu’est Chicago. Le soir même, nous arrivons à Elkhart, un haut lieu de la production d’instruments à vent aux USA.

Depuis 2008 et la crise économique, la plupart des marques d’instruments à vent, y compris les marques étrangères, installées aux USA, ont délocalisé leur production ou sont rentrées chez elles. Conn-Selmer a décidé de rester. Dans le but d’être plus fort après la crise, ils se sont concentrés sur la réorganisation du travail et la qualité des instruments produits.


Lundi 1er Août.

Bientôt, nous découvrons le lieu de création des instruments Bach. Dès les premiers instants, malgré l’exigence de qualité et de rentabilité, nous ressentons une atmosphère humaine faite de confiance et de jovialité, comme une grande famille.

Ce qui nous étonne, c’est l’importance de l’homme au milieu des machines. Malgré leur nombre, cette présence humaine domine. Ici, à Elkhart, on trouve principalement la production du haut de gamme de la marque Bach. Le métal, matière première, arrive à l’usine sous forme de longs tubes ou de rouleaux de laiton. Des machines spécialisées transforment, grâce à l’efficacité du technicien, ces tubes en futures coulisses ou branches d’embouchures. Chaque tube est étiré et un gabarit permet d’obtenir le diamètre et l’épaisseur voulue. C’est là que se décide les lightweight, regular weight, perce ML ou L etc.. je ressens que le cœur de l’ouvrage est artisanal. On trouve ici un tel écart entre le martelage à la main à l’aide d’une enclume sans âge, reposant sur un billot de bois, et ces machines ultramodernes.

L’alchimie, le secret de fabrication : les pavillons passent par des étapes de chauffe et de refroidissement, de placement dans différents bains, afin de repositionner les molécules du métal, et ainsi permettre d’être à nouveau retravaillé pour exprimer son meilleur potentiel acoustique.

Nous traversons maintenant l’atelier de polissage où les pièces des instruments se mettent à luire. A l’atelier d’assemblage, nous sommes impressionnés par la rapidité dans la précision du geste. C’est là que se transforment de nombreuses pièces de métal brut, usinées avec soin, en instruments de musique. Au total 1600 personnes sont actives sur le site. Chaque instrument est vérifié 20mn et ensuite testé en chambre acoustique neutre par des musiciens.


L’ANTRE DES ARCHIVES.

La visite de l’usine se poursuit dans un lieu dont peu de gens ont l’accès : les archives… C’est ici, dans un haut meuble beige aux multiples tiroirs coulissants qu'est conservée une partie des dessins originaux de Vincent Bach. Imaginez le travail méticuleux de cet ingénieur-musicien. Toutes ses expérimentations, dessinées et décrites points par points sont inestimables. Pensait-il alors au legs pour les générations futures ?

Le gardien des clés se nomme Tedd Waggoner. Il nous raconte ses 40 années passées au service de la perfection : comment il a un jour, par hasard, lorsqu’il n’était encore qu’un jeune apprenti, empêché la destruction de ces archives sous prétexte de place à gagner ! Il nous raconte que depuis, ses équipes et lui s’en inspirent. La fabrication de nouveaux instruments comme la Chicago, la Philadelphia, la LR190-43B ou encore la LT190-1B sont nées de multiples collaborations avec des musiciens de renom tels que T-Bone Malone (The Blues Brothers), son grand ami, ou encore Charlie Vernon de l’orchestre symphonique de Chicago, ainsi que Roger Blackburn de l’orchestre de Philadelphie. Il nous avoue même que cette masse d’archives n’a pas encore été totalement exploitée. Incroyable ! Une marque avec une véritable histoire. De quoi encore alimenter quelques futures découvertes et expérimentations en collaboration étroites avec de jeunes nouveaux talents…


CONN-SELMER : VISITE D’USINE À EASTLAKE. (Ohio,USA).

Mardi 2 Août.

Levés aux aurores. Nous passons toute la matinée sur la route à conduire vers l’Est en direction de Cleveland. Vers midi, nous arrivons enfin à l’usine Conn-Selmer de Eastlake, située en bordure du lac Erié, l’un des plus petits de la région des « grands lacs ». Dans cette usine sont produits tous les instruments Holton, King et Conn. Nous rencontrons d’ailleurs Hans Clebsch de l’orchestre de Cleveland, testant le nouveau cor Conn 8D.

À Eastlake sont produits également les « lowest range instruments » comme les appellent les américains, c'est-à-dire les cuivres aux sonorités graves comme l’euphonium, le sousaphone etc… Les instruments d’études made in USA, les step up, les gros cuivres comme le soubassophone expliquent la présence de plus de machines et plus d’employés qu’à l’usine d’Elkhart. Il semble même que le personnel ait ici la carrure des instruments qu’il fabrique. On sent qu’il faut de la « poigne », le travail de fabrication de ces gros instruments, qui est presque identique au travail fait dans l’usine d’Elkhart, est plus physique.

L’activité est intense, les odeurs d’huile et de métal en fusion se mêlent au martèlement des outils sur le cuivre. Tout ici parait plus grand.

On note rapidement que les équipes qui s’occupent des instruments Conn, King ou bien Holton ont un savoir-faire particulier. Ils utilisent des techniques, des matériaux et des alliages appropriés pour conserver l’identité, la personnalité et l’indépendance de chaque marque malgré qu’elles soient fabriquées sous le même toit.

Après un sympathique repas avec le staff directeur de l’usine, la proximité du lac Erié nous donne l’idée d’aller faire une promenade sur ses berges. Un magnifique coucher de soleil en vue de la frontière canadienne clôture cette inoubliable journée.


CHICAGO : LE OFF

Mercredi 3 Août.

« Nous sommes à 106 miles de Chicago, nous avons le plein d’essence, la moitié d’un paquet de cigarette, il fait noir, et nous portons des lunettes de soleil »

Cette mythique phrase du film culte « the Blues Brothers » résonne dans mon esprit alors que nous retournons à Chicago.

À nous le Trump International Hotel, le Hancock Center de plus de 300 mètres de haut et les clubs de Blues !

Nous traversons le Milennium Park où se trouvent le pavillon Jay Pritzker et le Cloud gate. Une répétition d’un orchestre s’y déroule et nous pouvons apprécier les extraordinaires qualités acoustiques de l’endroit.


Le soir, nous nous rendons au Kingston Mines, l’un des plus fameux club de Blues de la ville pour y voir Vance Kelly and the Backstreet blues band et Corey Dennison alias « the Bulldog » ainsi que le Chicago Blues All Stars dans lequel le tromboniste joue sur un magnifique Bach modèle 16.

Le lendemain il est déjà l’heure de quitter les lieux, « la tête pleine de chansons et le cœur plein de souvenirs » comme dit le poète.


Good Bye Chicago !

Texte: David Levy-Gourdet , traduction: Christian Konnerth
Photos: Frank Haesevoets, David Levy-Gourdet
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